1925. Zohar naît au sein d’une famille juive très pauvre du Caire. Son père, très pieux, est aveugle, sa mère a demandé l’aide d’une sorcière pour avoir enfin un fils. Alors qu’on craint pour la vie du bébé, il est mis en nourrice chez une femme issue du delta du Nil, qui allaite aussi sa petite fille, Masreya. Il n’en faudra pas plus pour que jeunes gens, ces deux-là s’aiment d’un amour infini.
20 ans plus tard, on retrouve Zohar à la tête d’une entreprise de contrebande d’alcool. Ses associés sont ses amis de toujours, Joe le sioniste, et Nino le communiste, l’intellectuel. L’Egypte est en train de changer, les Anglais y sont très présents, occupés à repousser les Allemands de Rommel. Le roi Farouk est un fantoche qui ne pense qu’à ses plaisirs, ce qui ne l’empêche pas d’être très aimé du peuple. Nino, après une longue peine de prison, adhère au mouvement des Frères musulmans qui prend de plus en plus d’importance dans le pays et qui est très hostile aux Juifs. Jusqu’à l’expulsion de ces derniers lors de l’arrivée au pouvoir de Nasser…
En écrivant ce livre, Tobie Nathan a voulu recréer l’Egypte de son enfance dont les souvenirs dorés hantent sa mémoire. Quelle que soit sa religion, le peuple se sentait alors d’abord égyptien. Il y a ici des pages magnifiques, celles notamment où la mère de Zohar n’hésite pas à convoquer tous les saints et diables de l’Islam pour avoir enfin un enfant. Celles de l’amour de Zohar et de Masreya qui n’ont cure de tout ce qui les sépare. Très intéressante aussi, la confrontation du roi Farouk et des Anglais. Ce que je reproche au livre? Un peu trop de lenteur qui pousse parfois à l’ennui mais qui n’enlève rien à sa beauté.
Ce pays qui te ressemble, Tobie Nathan, Stock
Mois : octobre 2015
Soeurs de miséricorde
J’aime quand Colombe Schneck parle de sa famille comme dans La réparation. J’aime aussi quand elle s’en éloigne comme ici. Azul est une petite paysanne bolivienne qui grandit dans un vrai paradis: le jardin fruitier de sa mère. Celui-ci permet à la famille de neuf enfants de subvenir à ses besoins, mais lui apporte aussi la beauté de ses arbres. Parce qu’elle est sage et intelligente, Azul quitte son village pour aller étudier dans le collège de la ville la plus proche. Mais pas facile quand on est une Quechua de grandir auprès des Espagnols qui se croient supérieurs. Azul s’accroche pourtant, devient secrétaire, puis perd son emploi et est obligée pour la survie de son mari et de ses enfants de s’exiler à Rome d’abord, à Paris ensuite où elle fait des ménages… On ne s’intéresse pas à assez à la vie des gens que nous côtoyons, même de loin. Colombe Schneck l’a fait, et n’a pas hésité à voyager jusqu’en Bolivie, pour recréer Azul, son magnifique personnage, dépourvue de tout et si désireuse de donner tant et plus. Ce récit court et dense donne encore plus envie d’aller à la rencontre des autres.
Soeurs de miséricorde, Colombe Schneck, Stock
La septième fonction du langage
Franchement j’ai bien aimé et bien ri, même s’il y a beaucoup de longueurs et que j’avoue avoir passé des pages (après tout, Daniel Pennac l’autorisait :-)). On peut regretter le côté roman pour initiés mais la description de l’époque et la réflexion sur le roman sont particulièrement réjouissantes.
La septième fonction du langage, Laurent Binet, Grasset